J'ai reçu récemment un mail qui m'a beaucoup émue par la confiance dont il témoignait et le désarroi qui le
nourrissait:
"Bonjour Flo,
"J'ai passé quelques mois à vivre le malaise d'un échec, d'un passage à l'échangisme pas geré comme on le souhaitait, comme un
traumatisme intérieur.
"De plus, un accident de capote survenu en septembre entre un homme et ma femme nous a certainement perturbés un peu dans notre nouvelle
quête, je dirais une quête plus pour ma moitié que pour moi, car ce gros échec, une grosse panne pendant que ma femme criait son plaisir, a été le debut d'une longue période de doute.
"Bien sûr, j'avais beau essayer de me dire que ça n'allait pas se reproduire, mais chaque fois blocage, je laissais ma femme
s'amuser le temps que je tenais la chandelle, je ne voulais pas la priver de s'amuser et je savais que ça ne contribuait pas à me remettre en selle !!
"Cela faisait deux bonnes semaines que nous parlions de mon souci, ce stress, cette peur des femmes qui s'approchaient de moi avec
convoitise et que je pensais ne pas être capable de satisfaire 1 fois sur 2 au moins !!! J'ai même été obligé de l'avouer à l'une d'entre elle pour ne pas la faire espérer - quel
dommage une poupée !! Son mari s'est voulu rassurant en me disant qu'en parler c'était déja être en voie de guérison.
"Les jours qui ont suivi cette soirée, j'étais à 2 doigts d'écrire à mon docteur Gourmande, mais je me suis souvenu lors du mail
des voeux que votre travail vous prenait du temps et j'ai repoussé ce mail.
"Ma femme en était venue à ne s'amuser qu'avec le couple d'où est parti ma panne, peur sûrement due à la soirée accident,
peur de repartir vers des inconnus, peur d'un nouvel accident, puis aussi destabilisée à son tour par mon désarroi.
"Très récemment, nous avons vécu une soirée finalement très réussie, avec un trio à la clef. Cette soirée sauna ne s'annoncait pas
sous les meilleures conditions, pourtant ma femme voulait vraiment y aller. Est-ce le debut de la fin de mes tracas? "La pièce est peut-être tombée?". J'espère que je vais pouvoir jouer
et l'accompagner. Quand je dis jouer ce n'est pas forcement pour baiser à tout va, toutes les nanas de la terre, mais pour profiter de ces sensations ensemble comme lors de cette soirée
sauna.
"Pour nous en tous cas, le libertinage, c'est surtout une histoire d'amour !!
"Merci de m'avoir lu,
"Gros bisoussss"
Et récemment, un ami qui vient de découvrir le libertinage avec sa femme m'a confié qu'il s'était trouvé ne pas arriver à
bander, pour la première fois de sa vie, ce qui l'avait beaucoup perturbé. Il en a parlé à son médecin, qui lui a prescrit du Cialis! Autant prescrire des pinces pour garder les yeux ouverts
quand on passe d'une pièce obscure à une pièce éclairée et qu'on plisse les yeux. Bien sûr, le libertinage ne fait pas partie du cursus des étudiants en médecine...
Suite à un article dans lequel j'avais écrit il y a quelques temps que les hommes novices attachés sentimentalement à une
femme avaient du mal à se lâcher dans le contexte libertin, on m'a demandé des explications.
Des explications, je ne suis pas sûre d'en apporter qui aient un caractère exhaustif. Disons qu'il y a des situations
récurentes que j'ai constatées. Il y a des hommes avec qui j'en ai parlé. Et il me semble qu'il y a quatre origines possibles à ce qui peut être vécu comme une
défaillance.
Concurrence faussée
L'homme peut se représenter, en présence d'autres hommes, dans une situation de concurrence facilement induite par la
configuration : une femme entourée d'un groupe d'hommes dont il n'est qu'un membre. Il peut même trouver que ses "concurrents" ont davantage d'attraits physiques que lui. Cela peut alors être
désagréable. Mais à moins qu'il n'ait des complexes préexistants sur certains points - la taille du pénis ou l'importance de la musculature étant les plus courants - il n'y a pas de
quoi débander, au contraire. Il suffirait de se mettre en valeur sur ses propres atouts et faire jouer la concurrence. SAUF QUE... si l'on n'est pas dans une perspective de gang bang, il n'y
a pas de place pour l'exercice d'une concurrence virile. Les hommes sont uniquement là dans une perspective d'union confraternelle visant le plaisir de la femme. Et le déroulement nécessairement
courtois des échanges alternatifs avec la dame est compliqué à gérer. Il faut doser son action, laisser sa place poliment, bander au bon moment... Dans une concurrence sportive, on regarde ses
concurrents. Là, c'est surtout la femme qu'il faut regarder et cette triangulation de l'action est tellement inhabituelle, tant en matière de sexe qu'en matière de concurrence sociale, qu'il peut
arriver que la motivation en arrive à défaillir.
Pour que les choses se passent alors au mieux, il est surtout essentiel que l'homme soit capable d'interroger ses propres repères
quant à la virilité et la concurrence. Le roseau sera là toujours plus satisfait que le chêne.
Négation / affirmation de son statut
Voir sa femme avoir autant, sinon plus, de plaisir avec d'autres hommes est un spectacle qui peut susciter chez l'homme à un sentiment
d'être nié aussi bien en tant qu'homme qu'en tant qu'amant. Refuser le rôle de l'étalon et se placer dans le rôle de l'observateur controlant le bien-être et la sécurité de sa femme est alors une
façon de se singulariser par rapport à tous ces hommes en érection. La réaction n'est bien sûr pas aussi claire est consciente. Mais le mécanisme est cohérent et efficace.
Malheureusement, faute de pouvoir être explicité, ce mécanisme bien naturel passe au second plan derrière sa conséquence : la panne.
Pour éviter cela, il convient que le statut de l'homme soit maintenu en position d'amant privilégié : qu'il
ait clairement le rôle de choisir les partenaires de jeux de sa femme, que sa femme le regarde ou le caresse plus souvent qu'elle ne regarde ou caresse les autres hommes, qu'il se situe
physiquement au plus près de la femme...
Mais l'homme peut également apprécier ce mécanisme une fois qu'il l'a compris et ne plus considérer l'absence d'érection comme une panne
mais comme un élément de supériorité et d'affirmation de son statut. Le couple évolue alors vers le candaulisme.
Peur de blesser
D'autres freins peuvent retenir inconsciemment un homme de se lancer dans l'action : ne pas vouloir se donner à une autre femme devant
sa propre femme, ne pas vouloir montrer à sa femme que les autres femmes peuvent être aussi et même plus intéressantes qu'elle. Ces freins sont plus ou moins conscients mais il me
semble qu'ils sont d'autant plus puissants que l'homme a déjà été infidèle.
Dans ce cas, si la femme rassure l'homme par ses mots et son comportement, il n'a plus aucune raison d'avoir peur de la blesser. Mais la
culpabilité pour des infidélités passées, ou encore la peur de devenir infidèle eu égard à ses valeurs morales, peuvent encore le retenir. A ce second stade, la femme ne peut plus avoir d'impact
sur son fonctionnement et il convient surtout que le couple avance très doucement et s'écoute pour pouvoir progresser.
Maintien d'un espace privé
Il est nécessaire que le l'homme et la femme définissent quelles sont les pratiques réservées à l'intimité du couple et qui
n'auront pas cours lors de jeux avec d'autres hommes. Un exemple courant est le baiser sur la bouche.
Si ces pratiques marquant la limite entre l'espace intime et l'espace libertin ne sont pas clairement précisées, elles peuvent se révéler au
cours des jeux. Mais il arrive également souvent que le flou entre les espaces destabilise l'homme. Sa réaction est alors, inconsciemment bien sûr, d'en imposer de son propre chef. C'est
ainsi que limiter son activité sexuelle, c'est montrer que son érection ou son éjaculation sont réservées à sa femme dans l'intimité.
Pour éviter les soucis liés à cette réticence, il suffit justement de décider au départ les pratiques réservées à l'intimité à l'intérieur
du couple. L'homme a ainsi clairement défini son espace privé et son espace collectif.
Dans tous les cas, comme l'a écrit mon interlocuteur dont j'ai reproduit le mail au début, en parler, c'est déjà être en voir de guérison.
En parler, relativiser, comprendre ce qui se joue en nous, comprendre que ce ne doit être que du jeu. Les hommes ont leur complexité et le libertinage bouscule les repères. Que l'on bande ou pas,
que l'on éjacule ou pas, peu importe finalement tellement les pratiques diffèrent.
Ces explications valent pour les hommes en couple. En ce qui concerne les hommes seuls, les mécanismes sont différents et il y a souvent
moins de soucis.